C’est ce que le Tribunal judiciaire de Paris dans un jugement du 4 mars 2022 a rappelé à Éric Zemmour. Ce dernier avait annoncé sa candidature en illustrant son discours d’un clip vidéo.
Ce clip reproduisait des extraits de films des catalogues Gaumont et Europacorp.
Or, aucune autorisation n’avait été demandée aux ayants-droits.
1. Le principe : l’accord nécessaire des ayants-droit.
Une œuvre audiovisuelle est définie par l’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle comme « une œuvre cinématographique ou une autre œuvre consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non. »
En sont présumés auteurs, en vertu de l’article L.113-7 du même code, l’auteur de l’œuvre originale (dans les cas d’un remake ou d’une adaptation), l’auteur du scénario, l’auteur de l’adaptation, l’auteur du texte parlé et l’auteur des compositions musicales réalisées spécialement pour l’œuvres.
Le producteur bénéficie toutefois (sauf en matière de droits musicaux) d’une présomption légale de cession des droits exclusifs d’exploitation de l’œuvre audiovisuelle.
C’est donc le producteur qui, seul, peut autoriser ou interdire la reproduction et la communication au public d’un extrait de son film.
Les auteurs, disposant d’un droit moral, peuvent agir directement en cas de dénaturation ou de toute atteinte préjudiciable portée à leur œuvre.
Toute utilisation faite au mépris de ces droits est sanctionnée au titre de la contrefaçon.
2. Les exceptions : la dispense de l’accord des ayants-droit
Dans l’affaire Zemmour, ce sont les exceptions de courte citation et celle de la liberté d’expression qui ont été invoquées pour justifier les emprunts.
L’exception de courte citation
Juridiquement, le clip vidéo est une œuvre nouvelle à laquelle sont incorporés de courts extraits d’œuvres cinématographiques.
Bien que ces extraits étaient suffisamment brefs pour être considérés comme des emprunts, le jugement rappelle :
– que le nom des ayants-droit doit être mentionné. Or seuls étaient mentionnés les noms des films et les noms des titulaires de la chaîne Youtube ;
– que l’emprunt doit être « justifié par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information litigieuse ». Dans cette affaire, les juges ont considéré que les extraits en cause n’étaient pas introduits afin d’éclairer un propos ou approfondir une analyse.
L’exception de courte citation ne pouvait donc pas justifier l’utilisation des extraits sans autorisation préalable.
La liberté d’expression
La liberté d’expression est consacrée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Cette liberté d’expression peut toutefois être limitée. Cette limitation doit être proportionnée au but poursuivi.
Dans cette affaire, les juges ont souligné :
– que les extraits d’œuvres cinématographiques empruntés n’étaient pas nécessaire au discours politique ;
– que le respect du droit d’auteur des titulaires de droit constituait « une atteinte proportionnée et nécessaire » à la liberté d’expression.
Eric Zemmour et l’Association Reconquête ont donc été condamnés pour contrefaçon.
Il est à noter que le tribunal a jugé que le droit moral des auteurs, notamment celui des réalisateurs tels que François Ozon ou Luc Besson avait été violé. Les œuvres ont en effet été détournées de leur finalité première puisque utilisées, sans autorisation, à des fins politiques.
Il est donc primordial avant tout projet audiovisuel utilisant des extraits de films ou d’autres programmes de se demander si une exception permet de se passer d’autorisations. A défaut, il faudra impérativement identifier les ayants-droits et demander leur accord.