Vous créez votre label et vous souhaitez signer des contrats avant l’immatriculation de votre société. Mais tant qu’elle n’est pas immatriculée, une société n’a pas de personnalité morale. Elle n’a pas la capacité juridique lui permettant de signer des actes. Tout contrat signé par une société en formation est nul.
En revanche, durant cette période, les fondateurs de la société peuvent signer des contrats « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Mais attention ! Un formalisme strict doit être respecté. Les contrats doivent indiquer très clairement qu’ils sont conclus « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Il est conseillé d’indiquer également sur le contrat la dénomination de la société et l’adresse de son siège social. Les statuts prévoient alors des dispositions spécifiques par lesquelles les contrats ou engagements ainsi conclus seront repris par la société dès son immatriculation. La société sera réputée avoir conclu elle-même les contrats concernés.
Le non-respect de ce formalisme est sanctionné par la jurisprudence. Le label discographique Y&W en a fait les frais dans le litige qui l’opposait à Nekfeu et son groupe S’Crew. Le groupe avait signé un contrat d’enregistrement le 5 avril 2011 avec deux personnes physiques qui allaient ultérieurement créer la société Y&W, immatriculée le 13 septembre 2011. Il n’était pas spécifié sur le contrat que les deux personnes physiques avaient agi « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation Y&W.
Puis le groupe S’Crew a créé en 2013 sa propre société de production dénommée Seine Zoo. Seine Zoo a signé des contrats de licence avec la société Universal Music France pour l’exploitation des enregistrements. Parmi ces enregistrements, certains titres ont été revendiqués par la société Y&W en sa prétendue qualité de producteur. Y&W a donc assigné Seine Zoo en contrefaçon et Universal Music France en concurrence déloyale. La société Y&W prétendait qu’elle avait repris à son compte le contrat d’enregistrement par une Assemblée Générale Extraordinaire du 1er mars 2016.
Mais la Cour de Cassation, dans un arrêt du 10 juin 2020, rejette les prétentions de la société Y&W.
En toute logique elle constate :
- que la société Y& W n’avait pas la personnalité morale au jour du contrat d’artiste. Elle n’avait donc pas la capacité de contracter ;
- qu’il n’est pas mentionné au contrat que les deux personnes physiques signataires ont agi « au nom » ou « pour le compte » de la société Y& W en formation ;
- qu’ainsi l’assemblée générale extraordinaire de la société Y& W du 1 mars 2016 n’avait pas pu régulariser un contrat conclu par une société sans personnalité morale.
La société Y&W ne dispose donc d’aucun droit sur les enregistrements concernés.
Le formalisme à respecter pour la validité des contrats conclus durant la phase de formation d’une société est complexe. Les conséquences peuvent être très importantes.